Le photographe bâlois Tobias Sutter a réuni dans son métier deux passions – et depuis que quelqu’un lui a présenté un Leica M, il ne s’en sépare pratiquement plus.

 

Tout le monde n’est pas en mesure de faire de sa passion un métier. Et de deux? Les personnes qui y parviennent sont encore plus rares. Le photographe Tobias Sutter semble en faire partie. Agé de 43 ans, il aime la photographie, la magie des images. Mais il est aussi un grand fan de musique. «Quand j’arrive n’importe où, j’entends toujours aussitôt quelle musique se joue actuellement», précise-t-il. «La musique nous permet aussi de s’adresser à des individus avec qui on n’a pas forcément d’autres points communs.» Il admet avoir toujours été fasciné par le show-business. Et aujourd’hui, il peut par exemple en tant que photographe de festival jeter un œil dans les coulisses – donc rassembler photographie et musique. Comment en est-on arrivé là?

Au début fut le sténopé

A 14 ans, Tobias Sutter a suivi à l’école un cours de photographie et a construit son propre sténopé dont il développait les photos au labo. Il a d’emblée été fasciné par la technique et la possibilité d’immortaliser des instants. Un petit boulot pendant les vacances d’été lui a permis de financer son premier appareil reflex et il a photographié tout un herbier à l’aide d’un objectif macro. Il a été assistant pour la première fois en tant qu’élève auprès d’un ami photographe. Puis il s’est rendu à New York chez Alex Kayser (1949-2015). Dans les années 1990, New York était alors encore l’incontestable Mecque de la scène artistique internationale. Alex Kayser photographiait alors beaucoup de musiciens, mais aussi d’autres artistes de renom, comme Andy Warhol. Il en a produit de nombreuses séries avec son SX-70 Polaroid et de appareils petit format. «C’est à travers lui que j’ai rencontré pour la première fois la photographie musicale», constate Tobias Sutter. «Il m’a appris un comportement adéquat à l’égard des artistes.» Les règles fondamentales à observer pour réussir de bonnes images sont d’après lui encore plus indispensables pour ce qui est des portraits de musiciens et d’autres artistes. «Il est essentiel de savoir capter rapidement une situation. Jouer et expérimenter sont également des facteurs importants dans mon mode de travail. En étant bien préparé, le reste se fait pratiquement tout seul.»

 

Jeune adolescent, il se passionnait déjà pour la musique et continue à ce jour à écouter de préférence tout ce qui se joue aujourd’hui entre rock indé et pop. De retour de New York, sa passion s’était définitivement enflammée. Il a fait un apprentissage de photographe et travaille aujourd’hui en indépendant. Il gagne sa vie surtout «avec les reportages people et image réalisés pour différentes agences et entreprises», souligne-t-il. Evidemment, la musique est restée.

 

Quand les artistes emportent des images

 

The Prodigy

Benji Webbe – Skindred

Depuis six ans, il est le photographe attitré du festival renommé Greenfield à Interlaken. Il avoue que ces quatre journées sont à chaque fois intenses et éprouvantes – avec peu de sommeil et d’autant plus de poussées d’adrénaline et de moments de pur bonheur, notamment lorsqu’il a réussi à réunir un groupe devant son objectif pour en tirer de belles images.

 

Il a surtout réussi à obtenir de tels résultats lors du dernier festival avec le groupe The Prodigy dont il apprécie lui-même la musique. «On m’a autorisé de monter sur scène avec eux. Une expérience absolument formidable.» Une autre anecdote le lie à Benji Webbe, chanteur du groupe Skinred: «Dans la partie backstage, il y a toujours une exposition de mes photo», précise Tobia Sutter. «Un jour, je lui en ai donné une. Cette année, il en a substitué une que j’ai découverte par hasard sur une photo de sa lounge de jardin.» Il a simplement dit en riant que l’image lui avait apparemment tapé dans l’œil si bien que son acte était selon lui purement chevaleresque.

 

«Plus d’expression avec le Leica M»

Aux deux passions professionnelles s’est ajoutée une troisième. C’est au siège de services photo «GraphicArt» à Zurich qu’il a tenu pour la première fois entre ses mains un Leica M. Il a pris avec lui des photos du clarinettiste allemand Giora Feidma. Il a surtout profité du fait que l’appareil est extrêmement silencieux et petit. «De produire plus de bruit ou moins est une grande différence dans la photographie de musiciens.» C’est également avec le système M qu’il a photographié le coureur cycliste suisse – alors encore actif – Fabian Cancellara. Il s’est muni pour cette séance de deux appareils pour arriver à la conclusion suivante: «Avec le même équipement optique, les images prises avec le Leica M étaient tout simplement plus expressives. Elles avaient une plus grande profondeur de champ en pratiquant un jeu magique avec la netteté et le flou.»

 

Aujourd’hui, il l’utilise pour près de deux tiers de ses commandes et il s’en est notamment servi pour le livre consacré au duo de musiciens suisses «Blush». Il en est particulièrement fier: les photos ont été prises dans les rues de Paris où la taille et la compacité de l’appareil se sont avérées idéales. «Le Leica tient bien en main et ne se fait pas remarquer. Il ne perturbe pas les gens et on réussit à prendre des photos aussi authentiques que naturelles.» Il ajoute que dans le milieu musical, Leica sert d’ouvreur de portes étant donné que beaucoup connaissent la marque, ce qui permet de lever rapidement toutes réserves. «Lors du Greenfield Festival, Randy Bliythe du groupe Lamb of God ne m’a autorisé de le prendre en photo que lorsqu’il a vu que j’utilisais un Leica M et un Leica Monochrom», se souvient Tobias Sutter.

 

Il utilise avec son Leica M les objectifs Summilux-M 35mm f/1.4 ASPH et Summicron-M 50mm f/2. En ce qui concerne l’objectif 90mm, il dispose aussi bien du macro Elmar-M 90mm f/4 que de l’objectif normal Summarit-M 90mm f/2.4. Il monte aussi souvent la poignée ce qui lui permet de tenir encore mieux l’appareil en main pendant de longues séances. Il ajoute que cela lui permet, selon la situation, «de shooter directement dans l’ordinateur».

 

Qu’en est-il de la succession?

Tobias Sutter souhaiterait travailler encore plus à l’avenir pour la branche musicale. Il voudrait aussi rencontrer des personnalités comme Bono, le chanteur du groupe de rock irlandais U2. «Ce serait vraiment un grand rêve pour moi.»

 

Il a déjà introduit dans le monde musical ses deux enfants âgés de 10 et 12 ans. Ils l’ont entre autres déjà accompagné à des festivals. La fascination semble avoir été transmise. «Les deux construisent à la maison de petites scènes et y donnent des concerts un micro à la main», raconte-t-il en souriant. Ils reconstruisent parfais aussi des shows musicaux avec des figures de Playmobil. Qui sait: peut-être que l’un des deux pourra lui aussi un jour rassembler deux passions dans un métier.