« Helvécia ». Ces quelques lettres inscrites sur un panneau planté en bord de route intriguent le photographe Dom Smaz. Débute alors pour lui une longue quête, menée au Brésil et en Suisse, pour comprendre comment ce village fondé en 1818 allait devenir une colonie prospère avant de tomber dans l’oubli.

C’est lors d’un road trip effectué au Brésil que Dom Smaz découvre, de manière fortuite, l’existence d’un village dont le nom – Helvécia – l’intrigue instantanément. Milena Machado Neves, journaliste qui l’accompagne, l’éclaire sur le sujet. Il s’agit d’un quilombo, lui explique-t-elle. Le village en question servait en effet de refuge à des esclaves en fuite, ou libérés depuis peu. Mais comme il le découvrira plus tard, ce sont des Suisses et des Allemands qui, au début du 19e siècle, l’ont édifié.

Le photographe basé à Lausanne consacre alors six années à cette histoire méconnue, accompagné par ses fidèles Leica Q et Q2. Il rencontre sur place les descendants de cette ancienne colonie, jadis peuplée d’une main-d’oeuvre asservie d’origine africaine et de colons européens attirés par les conditions offertes alors par le Gouvernement Royal du Brésil.

Lors de ses pérégrinations sur place, doublées d’investigations menées avec le concours du journaliste et historien fribourgeois Christian Doninelli au sein d’archives fédérales, Dom Smaz découvre les traces d’un passé qui tend à s’effacer. Le photographe comprend alors l’importance de conserver vivants, via les images qu’il réalise, ces vestiges qui peu à peu disparaissent, notamment pour les habitants d’Helvécia, dont la plupart ignorent l’essentiel de leur histoire. Celle d’une colonie devenue en 1850 l’un des plus importants producteurs et exportateurs de café de l’État de Bahia, avant de décliner suite à l’abolition de l’esclavage en 1888.

Sur le terrain, la taille contenue du Leica Q permet à Dom Smaz de disposer d’un matériel très peu intrusif, favorisant l’échange et le naturel avec les sujets photographiés. La qualité du viseur électronique, quant à elle, permet de cadrer et de composer dans des conditions optimales. À ces qualités objectives s’ajoute le plaisir de travailler avec un bel objet. « Photographier avec cet appareil constitue en soi un véritable bonheur. Et outre sa qualité de construction, il bénéficie d’une ergonomie très bien étudiée. »

Les conditions de lumière parfois difficiles rencontrées en reportage ne constituent pas, aux yeux du photographe, une difficulté incontournable. « S’il le faut, j’utilise le mode de mise au point manuel. Sur le Leica Q, il s’avère redoutable d’efficacité et simple à mettre en oeuvre. » Un atout lorsqu’il s’agit de se concentrer sur la prise de vue, et non sur des éléments techniques.

 « J’axe mon approche photographique sur l’être humain. Dans ces conditions, il s’agit de pouvoir interagir avec mon sujet, d’avoir une disponibilité de tous les instants, d’être à l’écoute. Sans quoi, le courant ne passe pas et l’on rate l’essentiel. Un exemple? L’image sur laquelle apparaissent de jeunes hommes juchés sur leurs motos. Lorsque je déclenche, j’entends un des protagonistes de la scène m’interpeler: « Pourquoi mettre la lumière sur moi? C’est parce que je suis le plus noir, c’est ça? » Dans le contexte de ce reportage consacré aux traces d’une époque colonialiste et à ses conséquences – dont le racisme fait indéniablement partie -, une remarque comme celle-la prend tout son sens. »

Le travail de Dom Smaz est exposé au Musée d’ethnographie de Genève (MEG) jusqu’au 8 janvier 2023. Il fais aussi l’objet d’un livre paru chez Lars Müller Publishers, disponible en français, anglais, ou allemand.

 Biographie

Diplômé de l’école de photographie de Vevey, Dom Smaz est un photographe documentaire suisse et brésilien. Membre de l’agence Hans Lucas, il collabore avec la presse internationale et son travail a été primé à cinq reprises par le Swiss Press Photo Award.

 

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